Complications rhumatologiques des inhibiteurs des checkpoints immunitaires : série de 28 patients, description clinique et prise en charge thérapeutique
Langue Français
Langue Français
Auteur(s) : Rinagel Marina
Directeur(s) : Arnaud Laurent
Composante : MEDECINE
Date de création : 28-04-2020
Résumé(s) : Les inhibiteurs des checkpoints immunitaires ciblent des récepteurs inhibiteurs présents à la surface des lymphocytes (CTLA-4, PD-1) et leur ligand (PD-L1). Ils sont utilisés dans le traitement du mélanome, des cancers bronchiques non à petites cellules, du cancer du rein mais également en onco-hématologie ou en gastro-entérologie. Leurs indications varient selon que l’inhibiteur de checkpoint vise le CTLA-4 (ipilimumab), le PD-1 (nivolumab, pembrolizumab, cemiplimab) ou le PD-L1 (atezolizumab, avelumab et durvalumab). Leur principe est donc de bloquer une voie inhibitrice de régulation et de restaurer une réponse lymphocytaire anti-tumorale. Ce blocage des voies inhibitrices est responsable d’une activation du système immunitaire. La rupture de tolérance peut être responsable de phénomènes d’auto-immunité. Ces effets indésirables ont été décrits sous le terme « immune-related adverse events » (irAEs) et leur fréquence varie entre 15 et 90 % selon les essais cliniques, lors de l’utilisation d’un inhibiteur des checkpoints immunitaires en monothérapie. Ces effets indésirables concernent différentes spécialités, dont la rhumatologie. Les signes cliniques sont variés (arthralgies, myalgies, syndromes sec, arthrites, polyarthrites, déficits musculaires…) et peuvent s’apparenter à des rhumatismes inflammatoires chroniques ou des maladies auto-immunes. Il est donc important de savoir les identifier, les caractériser et les traiter. Le maniement des immunosuppresseurs dans un contexte de cancer reste encore difficile et mal connu. Cette étude descriptive a pour but d’identifier les cas d’effets secondaires musculo-squelettiques sous immunothérapie dans les centres de rhumatologie de Strasbourg, Colmar, et Mulhouse, de décrire les manifestations cliniques en les regroupant dans des cadres nosologiques, et d’étudier l’effet des différentes thérapeutiques mises en place. Entre le 01/01/2015 et le 31/12/2019, nous avons recueilli les données de 28 patients ayant présenté un irAE rhumatologique secondaire à l’immunothérapie. L’âge médian au diagnostic de cancer était de 60 ans (IQR25-75 : 53,25-67,50) et la moitié des patients était des hommes. La cohorte était constituée de patients traités pour un carcinome bronchique non à petites cellules, un mélanome, un cancer du poumon à petites cellules ou un lymphome de Hodgkin. Les immunothérapies utilisées étaient des anti PD-1 (nivolumab, cemiplimab, pembrolizumab) et des anti CTLA-4 (ipilimumab). Après une durée médiane de suivi (de l’introduction de l’immunothérapie au décès ou à la date de censure) de 17,2 mois (IQR25-75 : 10,03-29), 12 patients sont décédés. Le délai médian pour développer le premier irAE rhumatologique après exposition aux inhibiteurs des checkpoints immunitaires était de 90 jours (extrêmes de 1 à 730 jours, IQR25-75 : 30,25-213). Pour les patients sous nivolumab, le délai médian était de 84 jours (IQR25-75 : 30,50-182,50). Les présentations cliniques étaient variables mais la plus fréquente était la polyarthrite rhumatoïde immuno-négative : 3 cas de polyarthrites rhumatoïdes immuno-positives, sept polyarthrites immuno-négatives, des polyarthralgies inflammatoires chez 1 patient, 4 cas de pseudo-polyarthrites rhizomélique, 2 rhumatismes psoriasiques, et 1 syndrome de Gougerot Sjögren avec atteinte articulaire. Il y a eu 7 aggravations de rhumatismes inflammatoires préexistants, et 2 patients ont présenté une polyarthrite paranéoplasique qui s’est aggravée sous immunothérapie. Deux manifestations rhumatologiques n’ont pas pu être classées. L’atteinte érosive radiographique était rare. Sur le plan thérapeutique, le traitement par corticoïdes était le premier choix : 26 patients sur 28 ont bénéficié d’une corticothérapie. Il a été efficace chez tous les patients, mais insuffisant avec une corticodépendance chez 13 patients. Les traitements de fond conventionnels étaient les traitements introduits en deuxième intention : 10 patients en ont bénéficié. Un patient a reçu une biothérapie de type Rituximab en troisième intention. La fréquence de prescription de corticoïdes dans le cadre d’un irAE rhumatologique secondaire à l’immunothérapie est comparable entre notre cohorte et la série Cappelli (92,9% versus 92,3%). L’attitude face à l’arrêt ou la suspension de l’immunothérapie était variable. Onze ont arrêté définitivement l’immunothérapie secondairement à l’atteinte articulaire. Pour les autres patients, la moitié l’a suspendue et l’autre moitié l’a poursuivie. La polyarthrite rhumatoïde était l’atteinte rhumatologique la plus fréquente. Les facteurs rhumatoïdes et les anticorps anti-CCP étaient le plus souvent négatifs. L’atteinte érosive était rare. La corticothérapie a été efficace pour tous les patients, mais 57% l’ont poursuivie au cours du suivi et 39% ont bénéficié d’un traitement d’épargne cortisonique (traitement de fond conventionnel ou biologique), permettant un contrôle de l’atteinte articulaire. Environ la moitié des patients ont pu poursuivre l’immunothérapie au décours du contrôle de l’irAE. Ces données sont comparables avec celles de séries publiées dans la littérature. Le maniement des traitements immunosuppresseurs dans un contexte de cancer reste encore difficile et mal connu. La corticothérapie est le traitement de première intention et pour la plupart des patients elle est suffisante à 10-20 mg/jour. Il est conseillé pour les patients suivis pour une maladie auto-immune préexistante sous corticothérapie, de ne pas dépasser le seuil de 10 mg/jour de corticoïdes lors de l’initiation de l’immunothérapie. Les traitements de fond conventionnels et les traitements biologiques peuvent également être introduits en seconde intention mais la balance bénéfice-risque est à discuter avec l’oncologue référent, et en fonction des complications rhumatologiques mettant en jeu le pronostic vital (comme les myosites). Des données prospectives supplémentaires à plus grande échelle restent nécessaires, notamment sur l’impact des biothérapies sur la survie globale., Immune checkpoint inhibitors target inhibiting receptors located on the lymphocytes’ surface (CTLA-4, PD-1) and on their ligand (PD-L1). They are used for the treatment of melanoma, non-small cell lung cancer and renal cancer, as well as in onco-hematology or gastro-enterology. Their mechanism of action is done by blocking an inhibitory regulation pathway and restoring an anti-tumoral immune response from lymphocytes. The suppression of this inhibitory pathway leads to an activation of the immune system. Auto-immune phenomenons called « immune-related adverse events » (irAEs) can be caused by a loss of tolerance of these inhibitors. These adverse events are implicated in numerous medical specialities, in particular rheumatology. Clinical symptoms are varied (arthralgia, myalgia, immune deficiencies…) and can resemble chronic inflammatory rheumatisms or auto-immune diseases. Being able to identify, characterize and treat them is therefore important. Immunosuppressant therapy in an oncological setting is still challenging and quite unknown. This descriptive study aims to identify cases of adverse musculoskeletal events in patients taking immunosuppressive therapy at the Rheumatology Centers of Strasbourg, Colmar and Mulhouse, to describe different clinical presentations by grouping them in nosological clusters and to study the effects of the different treatments that were put in place. Between the 01.01.15 and the 31.11.19, we collected data from 28 patients who presented with rheumatologic irAEs secondary to immunotherapy. Median age at cancer diagnostic was 60 (IQR25-75 : 53,25-67,50) and half of the patients were male. After a median follow-up time of 17.2 months (IQR25-75 : 10,03-29), 12 patients died. The median delay until the development of the first rheumatologic irAE after immune checkpoints inhibitors exposition was 90 days (extreme values from 1 to 730 days). Clinical presentations were various, with the most common being immune-negative rheumatoid polyarthritis. There were 7 pre-existent inflammatory rheumatisms that were exacerbated during treatment. Erosive afflictions remained rare. Regarding treatment options, cortico-therapy was the first choice of therapy. It was efficient for all patients, although 57% required longterm treatment and 39% required a corticosteroid-sparing treatment (conventional baseline treatment or molecular-biological treatment) in order to maintain adequate control and reduce joint damage. About half of the patients were able to continue with immunotherapy after the irAE was controlled. Patients who are known to have a pre-existent auto-immune disease are advised not to go over 10mg per day of corticoids when beginning immunotherapy. Conventional baseline and biological treatments can be introduced as second-line treatments, but the risk/benefit ratio must be discussed with the patient’s oncologist and life-threatening rheumatologic complications (such as myositis) must be taken into account. Larger scale prospective data is still needed, especially to evaluate the effect of biotherapies on global survival.
Discipline : Médecine. Rhumatologie
Mots-clés libres : Anticancéreux -- Effets secondaires, 617.6
Couverture : FR
Directeur(s) : Arnaud Laurent
Composante : MEDECINE
Date de création : 28-04-2020
Résumé(s) : Les inhibiteurs des checkpoints immunitaires ciblent des récepteurs inhibiteurs présents à la surface des lymphocytes (CTLA-4, PD-1) et leur ligand (PD-L1). Ils sont utilisés dans le traitement du mélanome, des cancers bronchiques non à petites cellules, du cancer du rein mais également en onco-hématologie ou en gastro-entérologie. Leurs indications varient selon que l’inhibiteur de checkpoint vise le CTLA-4 (ipilimumab), le PD-1 (nivolumab, pembrolizumab, cemiplimab) ou le PD-L1 (atezolizumab, avelumab et durvalumab). Leur principe est donc de bloquer une voie inhibitrice de régulation et de restaurer une réponse lymphocytaire anti-tumorale. Ce blocage des voies inhibitrices est responsable d’une activation du système immunitaire. La rupture de tolérance peut être responsable de phénomènes d’auto-immunité. Ces effets indésirables ont été décrits sous le terme « immune-related adverse events » (irAEs) et leur fréquence varie entre 15 et 90 % selon les essais cliniques, lors de l’utilisation d’un inhibiteur des checkpoints immunitaires en monothérapie. Ces effets indésirables concernent différentes spécialités, dont la rhumatologie. Les signes cliniques sont variés (arthralgies, myalgies, syndromes sec, arthrites, polyarthrites, déficits musculaires…) et peuvent s’apparenter à des rhumatismes inflammatoires chroniques ou des maladies auto-immunes. Il est donc important de savoir les identifier, les caractériser et les traiter. Le maniement des immunosuppresseurs dans un contexte de cancer reste encore difficile et mal connu. Cette étude descriptive a pour but d’identifier les cas d’effets secondaires musculo-squelettiques sous immunothérapie dans les centres de rhumatologie de Strasbourg, Colmar, et Mulhouse, de décrire les manifestations cliniques en les regroupant dans des cadres nosologiques, et d’étudier l’effet des différentes thérapeutiques mises en place. Entre le 01/01/2015 et le 31/12/2019, nous avons recueilli les données de 28 patients ayant présenté un irAE rhumatologique secondaire à l’immunothérapie. L’âge médian au diagnostic de cancer était de 60 ans (IQR25-75 : 53,25-67,50) et la moitié des patients était des hommes. La cohorte était constituée de patients traités pour un carcinome bronchique non à petites cellules, un mélanome, un cancer du poumon à petites cellules ou un lymphome de Hodgkin. Les immunothérapies utilisées étaient des anti PD-1 (nivolumab, cemiplimab, pembrolizumab) et des anti CTLA-4 (ipilimumab). Après une durée médiane de suivi (de l’introduction de l’immunothérapie au décès ou à la date de censure) de 17,2 mois (IQR25-75 : 10,03-29), 12 patients sont décédés. Le délai médian pour développer le premier irAE rhumatologique après exposition aux inhibiteurs des checkpoints immunitaires était de 90 jours (extrêmes de 1 à 730 jours, IQR25-75 : 30,25-213). Pour les patients sous nivolumab, le délai médian était de 84 jours (IQR25-75 : 30,50-182,50). Les présentations cliniques étaient variables mais la plus fréquente était la polyarthrite rhumatoïde immuno-négative : 3 cas de polyarthrites rhumatoïdes immuno-positives, sept polyarthrites immuno-négatives, des polyarthralgies inflammatoires chez 1 patient, 4 cas de pseudo-polyarthrites rhizomélique, 2 rhumatismes psoriasiques, et 1 syndrome de Gougerot Sjögren avec atteinte articulaire. Il y a eu 7 aggravations de rhumatismes inflammatoires préexistants, et 2 patients ont présenté une polyarthrite paranéoplasique qui s’est aggravée sous immunothérapie. Deux manifestations rhumatologiques n’ont pas pu être classées. L’atteinte érosive radiographique était rare. Sur le plan thérapeutique, le traitement par corticoïdes était le premier choix : 26 patients sur 28 ont bénéficié d’une corticothérapie. Il a été efficace chez tous les patients, mais insuffisant avec une corticodépendance chez 13 patients. Les traitements de fond conventionnels étaient les traitements introduits en deuxième intention : 10 patients en ont bénéficié. Un patient a reçu une biothérapie de type Rituximab en troisième intention. La fréquence de prescription de corticoïdes dans le cadre d’un irAE rhumatologique secondaire à l’immunothérapie est comparable entre notre cohorte et la série Cappelli (92,9% versus 92,3%). L’attitude face à l’arrêt ou la suspension de l’immunothérapie était variable. Onze ont arrêté définitivement l’immunothérapie secondairement à l’atteinte articulaire. Pour les autres patients, la moitié l’a suspendue et l’autre moitié l’a poursuivie. La polyarthrite rhumatoïde était l’atteinte rhumatologique la plus fréquente. Les facteurs rhumatoïdes et les anticorps anti-CCP étaient le plus souvent négatifs. L’atteinte érosive était rare. La corticothérapie a été efficace pour tous les patients, mais 57% l’ont poursuivie au cours du suivi et 39% ont bénéficié d’un traitement d’épargne cortisonique (traitement de fond conventionnel ou biologique), permettant un contrôle de l’atteinte articulaire. Environ la moitié des patients ont pu poursuivre l’immunothérapie au décours du contrôle de l’irAE. Ces données sont comparables avec celles de séries publiées dans la littérature. Le maniement des traitements immunosuppresseurs dans un contexte de cancer reste encore difficile et mal connu. La corticothérapie est le traitement de première intention et pour la plupart des patients elle est suffisante à 10-20 mg/jour. Il est conseillé pour les patients suivis pour une maladie auto-immune préexistante sous corticothérapie, de ne pas dépasser le seuil de 10 mg/jour de corticoïdes lors de l’initiation de l’immunothérapie. Les traitements de fond conventionnels et les traitements biologiques peuvent également être introduits en seconde intention mais la balance bénéfice-risque est à discuter avec l’oncologue référent, et en fonction des complications rhumatologiques mettant en jeu le pronostic vital (comme les myosites). Des données prospectives supplémentaires à plus grande échelle restent nécessaires, notamment sur l’impact des biothérapies sur la survie globale., Immune checkpoint inhibitors target inhibiting receptors located on the lymphocytes’ surface (CTLA-4, PD-1) and on their ligand (PD-L1). They are used for the treatment of melanoma, non-small cell lung cancer and renal cancer, as well as in onco-hematology or gastro-enterology. Their mechanism of action is done by blocking an inhibitory regulation pathway and restoring an anti-tumoral immune response from lymphocytes. The suppression of this inhibitory pathway leads to an activation of the immune system. Auto-immune phenomenons called « immune-related adverse events » (irAEs) can be caused by a loss of tolerance of these inhibitors. These adverse events are implicated in numerous medical specialities, in particular rheumatology. Clinical symptoms are varied (arthralgia, myalgia, immune deficiencies…) and can resemble chronic inflammatory rheumatisms or auto-immune diseases. Being able to identify, characterize and treat them is therefore important. Immunosuppressant therapy in an oncological setting is still challenging and quite unknown. This descriptive study aims to identify cases of adverse musculoskeletal events in patients taking immunosuppressive therapy at the Rheumatology Centers of Strasbourg, Colmar and Mulhouse, to describe different clinical presentations by grouping them in nosological clusters and to study the effects of the different treatments that were put in place. Between the 01.01.15 and the 31.11.19, we collected data from 28 patients who presented with rheumatologic irAEs secondary to immunotherapy. Median age at cancer diagnostic was 60 (IQR25-75 : 53,25-67,50) and half of the patients were male. After a median follow-up time of 17.2 months (IQR25-75 : 10,03-29), 12 patients died. The median delay until the development of the first rheumatologic irAE after immune checkpoints inhibitors exposition was 90 days (extreme values from 1 to 730 days). Clinical presentations were various, with the most common being immune-negative rheumatoid polyarthritis. There were 7 pre-existent inflammatory rheumatisms that were exacerbated during treatment. Erosive afflictions remained rare. Regarding treatment options, cortico-therapy was the first choice of therapy. It was efficient for all patients, although 57% required longterm treatment and 39% required a corticosteroid-sparing treatment (conventional baseline treatment or molecular-biological treatment) in order to maintain adequate control and reduce joint damage. About half of the patients were able to continue with immunotherapy after the irAE was controlled. Patients who are known to have a pre-existent auto-immune disease are advised not to go over 10mg per day of corticoids when beginning immunotherapy. Conventional baseline and biological treatments can be introduced as second-line treatments, but the risk/benefit ratio must be discussed with the patient’s oncologist and life-threatening rheumatologic complications (such as myositis) must be taken into account. Larger scale prospective data is still needed, especially to evaluate the effect of biotherapies on global survival.
Discipline : Médecine. Rhumatologie
Mots-clés libres : Anticancéreux -- Effets secondaires, 617.6
Couverture : FR
Type : Thèse d’exercice, Médecine, These d'exercice Unistra
Format : Document PDF
Source(s) :
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Entrepôt d'origine :
Identifiant : ecrin-ori-102702
Type de ressource : Ressource documentaire
Identifiant : ecrin-ori-102702
Type de ressource : Ressource documentaire